Maelthra Magthere
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Maelthra Magthere

L'école des Dragonniers.
 
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 Défi nocturne [Pv soeurette]

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Yohann James Liebërt
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Yohann James Liebërt


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MessageSujet: Défi nocturne [Pv soeurette]   Défi nocturne [Pv soeurette] Icon_minitimeJeu 12 Juin - 12:38

Lundi 14 mars
22h50


Yohann était là depuis une dizaine de minutes, observant dans la semi pénombre le lac aux eaux mouvantes. Une fine pluie était tombée un peu plus tôt dans la soirée, mais elle s’était arrêtée, ne laissant en souvenir que quelques gouttes d’eau dans les brins d’herbes. Il faisait plutôt froid, mais Yohann, vêtu seulement d’un pantalon de toile brune et d’une chemise noire aux manches relevées, n’avait pas froid. Il sentait dans ses veines son sang, le sang de phœnix que leur père leur avait transmis, à sa sœur et lui. Ce sang si spécial qui faisait de lui quelqu’un d’exceptionnel…
Le sang qui coulait dans ses veines réchauffait la moindre parcelle de son corps, et Yohann ne sentit même pas le vent froid qui s’était levé. Il restait immobile, à contempler le lac sombre, le petit carnet noir à la main.

Il ne l’avait pas ouvert tout de suite, à vrai dire, il l’avait glissé dans son sac quand Alice lui avait donné, sans y penser plus que cela. Mais maintenant, il le tenait à la main, et chaque fois que ses yeux grenats se posaient dessus, il sentait surgir comme une lointaine réminiscence de son passé. Enfants, Alice et lui s’amusaient à croire qu’ils étaient la réincarnation de grands souverains, de dieux et de déesses oubliés depuis longtemps. Mais là, dans la nuit froide, Yohann sentait que ces petits jeux de gamins pouvaient avoir une certaine vérité. Sinon, pourquoi aurait-il eu l’impression persistante qu’il connaissait ce carnet, qu’il connaissait, sans même le lire, ce qu’il contenait ? Il n’était pas capable de voir le futur, il le savait, alors, pourquoi une telle impression de déjà-vu ?
Le phœnix soupira doucement, ouvrant à nouveau le petit carnet relié. Certes, il faisait noir, mais le phœnix était capable de voir l’écriture si familière, de reconnaître les mots. En même temps, il aurait pu le faire les yeux fermés, après avoir relu, pendant des heures, les quelques mots que sa jumelle y avait tracé. Un défi…

C’est vrai, ils l’avaient déjà fait avant. C’était un de leurs jeux préférés, à la Villa des Roses. Un de ceux qu’ils préféraient, sans doute parce que c’était leur secret. Un secret jamais divulgué, même lorsqu’ils se faisaient prendre. Ils emporteraient ce secret dans la mort, parce que ce jeu était à eux, et rien qu’à eux. Alice l’avait inventé et, à l’époque, ce n’était que des petits jeux innocents. Surprendre le Père noël avait sans doute été le plus difficile à relever, sans doute parce que ledit Père Noël avait sans doute oublié l’adresse de leur maison. Mais jamais cela n’avait été plus compliqué… jusqu’à maintenant.
Car les quelques mots d’Alice laissait présager le pire, selon son frère. Certes, ils n’avaient jamais été très pointilleux sur le règlement, mais même à la villa des Roses, leurs jeux n’avaient pas été dangereux. Et là, Yohann sentait que le jeu se durcissait, devenait plus adulte. Certes, ils étaient grands, maintenant, mais jusqu’à quel point ?
Le phœnix avait analysé chacun des mots, mais n’était arrivé à rien de concluant. Se concentrant, il pénétra mentalement dans son propre corps, suivant le flot sanguin jusqu’à l’endroit qui le faisait souffrir : sa cuisse, transpercée par Glyrin. Elle était encore douloureuse, malgré le traitement offert par Carthana, mais elle guérirait. Et pour l’instant, il devrait composer avec, sans rien souffler à Alice. Ou peut-être que si, justement.

Il ne savait trop s’il devait lui dire, pour Idril. Certes, depuis leur discussion du matin, il pensait qu’Alice savait, et jugeait qu’il ferait mieux de s’expliquer. Mais sa sœur ne prendrait pas cet aveu comme une marque de faiblesse, lui qui jouait les protecteurs pour elle ? N’y verrait-elle pas une façon de se défiler, un acte de lâche ?
Le phœnix serra les dents, résolu : sa décision était prise, il lui dirait. Mais il ne lui dirait pas qu’il avait encore mal, parce que, inconsciemment, elle n’aurait pas joué le jeu à fond. Elle le devinerait peut-être, elle qui connaissait par cœur le moindre de ses gestes, mais il espérait qu’elle avait encore assez d’estime en lui pour comprendre qu’il ne voulait pas qu’elle le considère comme diminué.

Yohann se demanda quelle heure il pouvait bien être. Alice avait dit 23h, et il n’avait pas la moindre idée de l’heure qu’il était. Il avait dix minutes d’avance en sortant du Hall silencieux, moins quelques secondes pour crocheter la serrure… moins plutôt deux minutes, histoire de neutraliser l’alarme magique posée sur la porte. Yohann songeait que le verrou magique était plus là pour dissuader les petits de première années plutôt que pour sérieusement interdire l’entrée du château : il n’avait pas eu de grandes difficultés à sortir, alors, n’importe quel magicien un tant soit peu expérimenté serait parvenu à entrer. Quoi qu’il en soit, il avait remis les protections, jugeant qu’Alice parviendrait à forcer la serrure tout aussi bien que lui.
Il fit rêveusement tourner l’épée qu’il avait apporté, et sur laquelle le pâle éclat de la lune se reflétait. Pourquoi une épée ? Il ne savait pas, mais de toute manière, tout dans ce défi lui semblait étrange. La nuit, le lac, l’épée. Certes, Alice savait que l’épée n’était pas son arme favorite, mais tout de même… la lune ne procurerait à la jeune fille aucun avantage, car autant son élément était la lumière, autant celui de son frère était les ténèbres. Quand au lac… comme tous phœnix, et autres créatures à l’ascendant feu, les jumeaux ne portaient pas l’eau dans leur cœur. Yohann était parvenu petit à petit à apprivoiser sa peur, si bien que l’étendue d’eau paresseuse à côté de lui ne lui procurait que de l’indifférence. Mais aux dernières nouvelles, qui certes dataient de quelques années, Alice avait une peur panique de l’eau. Alors, de l’eau sombre, c’était assez étrange. Mais peut-être que, comme lui, elle avait combattu sa peur. Quoi qu’il en soit, le phœnix douta fortement qu’ils s’aventurent dans l’eau. S’il avait réussi à dépasser la phobie que lui inspirait l’étendue liquide, il n’avait pas pour autant appris à nager. Il était un phœnix, tout de même, pas un vulgaire poisson !
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MessageSujet: Re: Défi nocturne [Pv soeurette]   Défi nocturne [Pv soeurette] Icon_minitimeSam 14 Juin - 22:57

[Que princesse pingouin daigne m'excuser de ne pas répondre d'abord à notre topic. Mais je suis certaine qu'après avoir parlé à Yohann, j'aurais plus d'inspiration pour ma chère petite Alice]


Ce soir-là, Alice avait pris tout son temps pour se préparer. Une fois n'était pas coutume, elle avait troqué le bleu délavé habituel de ses pantalons pour un noir plus sobre, plus terne aussi. A l'image des sentiments qui se bousculaient dans sa tête. Inconsciemment, elle savait déjà ce qu'elle allait mettre pour le petit défi qu'elle avait lancé à Yohann avant même de prendre la décision d'enfin oser. Son dévolu s'était porté sur la tenue qu'elle portait le jour où elle avait croisé Himsaico aux abords du lac. Ce fameux jour où elle s'était enfin liée d'amitié avec quelqu'un. L'alystryn avait plongé dans l'eau pour lui venir en aide, sans l'ombre d'une hésitation. Et il fallait au moins reconnaître à Alice qu'elle était loyale. Non, le geste de sa camarade n'était pas passé inaperçu; était-ce l'une des raisons qui la poussaient à subitement se méfier de Yohann. A l'infirmerie, quand Himsaico était venu la voir ils semblaient déjà se connaître. Ce qui n'était certainement pas dû aux cours où le jeune homme affichait un manque d'intérêt cruel envers ses camarades et ses professeurs.

La jeune fille avait longtemps hésité. Depuis qu'elle était à Maelthra Magthere, elle soignait son apparence, consciente qu'il lui fallait avant tout paraître sûre d'elle, bien que la maison qu'on lui avait attribuée clame exactement le contraire. Niar, un fardeau qui reposait désormais d'autant plus sur ses épaules qu'elle en était devenue la préfète. Comme tout aurait été simple si elle avait de nouveau choisit la voie de la lâcheté qui semblait lui tendre els bras. Elle aurait pris la fuite sans prévenir quiconque, fait table rase du passé. Des futurs dragonniers, des professeurs, des autres Niar... et de Yohann, surtout de Yohann. Mais l'évidence jaillissait de nouveau devant elle. Non, jamais elle ne pourrait tirer un trait sur son frère. Oh, sa mémoire avait bien tenté de parvenir jusqu'à cette extrémité mais Alice n'avait fait qu'en souffrir. Avait-elle vraiment vécu lorsqu'ils demeuraient séparés? Elle avait rêve, elle avait aimé et pourtant, il lui avait toujours semblé que quelque chose lui manquait. Sans savoir pourquoi, et sans savoir ce dont il s'agissait. Elle avait ressenti le manque, elle n'avait ressenti que ça.

Elle hésitait encore. Après avoir renversé si souvent les pièces de l'échiquier de sa vie, étaient-elles encore intactes? Alice aimait jouer, mais elle n'aurait guère parié là-dessus. Alors qu'elle était fin prête, non sans avoir glissé au passage au dague dans sa manche et saisit son épée, elle fut prise d'une quinte de toux. Plus violente que celles de l'infirmerie qui l'avaient pourtant laissé hébétée quelques secondes. L'effet fut à son tour plus intense. Alice vacilla sur ses jambes et se raccrocha du mieux qu'elle put aux meubles qui l'entouraient. Les quelques gouttes de sang sur sa main s'étaient multipliées et pour la première fois depuis longtemps, elle songea à tout expliquer à une personne capable de l'aider. Pour l'instant, elle n'en voyait que trois. Carthana, le professeur de magie curative et Yohann. Ce dernier ne pourrait apporter aucune aide sur un plan physique mais au moins il la rassurerait. Pourtant, elle ne posa ni son épée qu'elle tenait encore à bout de main et dont la lame était maculée de vermeil, ni la dague glissait contre son bras qui le frôlait doucement.

Plus question de s'en remettre à ceux qui l'entouraient. Le temps où elle était si faible était révolu. Elle essuya sa main sur un mouchoir en tissu. Elle trouverait bien un moyen de camoufler les tâches de sang. Restait à savoir comment, mais elle trouverait. Pour l’instant, elle se contenta de la dissimuler dans son armoire, derrière une pile de vêtements sombres. Sa main était encore imprégnée de l’odeur métallique du sang, mais au moins elle ne laisserait pas de traces. Alice s’avança vers le bureau devant la fenêtre, y grimpa sans un bruit et ouvrit la fenêtre. L’air était encore frais et si elle n ‘avait pas été phoenix, la jeune fille aurait sans doute frissonné. Mais au moins, son père lui avait légué de quoi anticiper les écarts de température, à défaut d’un peu d’amour.

Alice hasarda un regarda en bas. Etrange, dans son souvenir elle aurait jugé le sol moins loin. Quoique après tout, il ne s’agisse que d’un étage, un simple étage. Lorsqu’elle était à la Guilde, elle serait tombée sans bruit sur l’herbe molle des jardins. Maintenant qu’elle avait arrêté ce genre d’acrobaties depuis un petit moment, elle n’était plus aussi sûre que la chute indolore. Elle se permit une légère hésitation. Il y a encore très peu de temps, elle se trouvait à l’infirmerie et elle risquait d’y retourner. Alice sembla peser le pour et le contre. Et si son organisme encore fragile de sa combustion de phoenix ne tenait pas le coup ? Bah, c’était l’occasion de vérifier. Elle passa ses jambes hors du cadre métallique. Durant quelques secondes encore, elle respira l’air. Puis elle plongea. Un étage, c’était à peine assez de temps pour se remettre sur ses jambes. D’abord la tête la première, Alice fit de son mieux pour pivoter. Le tout était d’atterrir en roulade parfaitement maîtrisée. Le seul inconvénient était qu’il n’y aurait pas de demi-mesure. Juste une chute brutale qui risquait de lui briser la colonne vertébrale. En d’autres termes, un moyen d’activer de nouveau sa combustion et de voir s’approcher l’hypothèse tentante d’une fuite hors de Maelthra Magthere après avoir changé son apparence.

La pensée que Yohann l’attendait sans doute près du lac la força à réagir tandis qu’elle s’approcha dangereusement du sol. Elle chuta plus lourdement que prévu, sans conséquences toutefois. Bien, et maintenant, rejoindre son frère. De nuit, elle retrouva instinctivement le lac où elle s’était rendue il n’y a pas si longtemps. Le reflet tremblant de la lune et des quelques étoiles qui brillaient encore lui permit à peine de distinguer Yohann. Curieusement, Alice arrivait derrière-lui. A supposer qu’il ne l’entende pas arriver et ne sente pas sa présence, elle pouvait lui assener un coup en traître et le blesser sans prendre de risques mais elle réfuta l’idée. Où était l’intérêt du défi sinon ? Toutefois, elle s’approcha sans bruit de son frère, se plaça derrière-lui et chercha à mesurer à quel point il pouvait être tendu. Pour ce, elle prit une inspiration muette avant de souffler un filet d’air chaud dans la nuque de Yohann. Elle s’écarta brusquement, sachant qu’il pourrait faire un mouvement brusque. Après tout, son frère n’aimait que très peu les surprises.


-Hé bien, Yohann ? Pas même un mot gentil pour m’accueillir ? Tu étais bien plus galant autrefois !

Alice contourna son frère en trottinant, vérifiant au passage qu’il s’était bien muni d’une épée. En passant près du lac, elle éprouva une sorte de malaise instinctif. Après tout, n’avait-elle pas failli se noyer en s’approchant de cette vaste étendue d’eau ? Cette fois-ci, il serait hors de question de tomber dans l’eau, auquel cas elle se retiendrait bien de quémander de l’aide à son frère. Ce ne serait pas le meilleur moyen de lui montrer qu’elle avait changé et qu’elle n’était plus l’enfant craintive d’il y a six ans. Se noyer n’en serait sans doute pas une flagrante démonstration, mais Alice ne comptait pas perdre contre son frère. En raison du lac et de l’obscurité, Yohann pensait sans doute la battre facilement. A première vue, la jeune fille se retrouvait nettement désavantagée vis-à-vis de son jumeau. Cependant, elle n’aurait pas été inconsciente au point d’organiser ce duel si elle n’avait pas quelques atouts dans sa manche.

Lorsqu'elle fut en face de Yohann, Alice attendit patiemment qu'il se décide. Elle lui offrait l'initiative, préférant voir comment avait évoluée sa façon de combattre depuis qu'ils s'étaient quittés. Elle ne doutait pas qu'il soit moins rapide mais plus fort, cependant elle tenait à voir s'il oserait l'attaquer sans que ses sentiments n'interviennent. Yohann serait-il trop faible pour oser la frapper le premier? Qu'il fanfaronne tant qu'il veuille, Alice savait qu'il avait toujours eu du mal à s'en prendre à elle en combat singulier, déjà rongé par le remords et les séquelles qu'elle aurait pu garder d'une attaque trop bien menée. Maintenant que le risque était plus important, avait-il pour autant plus de cran? Pour sa part, la jeune fille n'aurait plus de scrupules. Quelques erraflures en comparaison de plusieurs années d'abandon? Il s'en tirerait très bien. La douleur physique ne serait rien face à celle qui lui avait infligée par sa disparition. Il aurait mal sur le coup, elle avait véhiculé une douleur liée à ce total abandon et cette profonde errance dans une vie qui lui semblait inconnue durant ppresque six ans.

Attendant toujours qu'il se décide à attaquer le premier, puisqu'elle n'aurait pas de mal à éviter une première attaque dans laquelle il ne s'investirait pas réellement, Alice jeta un regard furtif autour d'elle. Elle avait craint que les conditions climatiques l'empêchent de mener à bien son idée, mais par chance elle pourrat y arriver. Certes, elle était totalement privée de lumière solaire, mais il y avait d'autres formes de lumière qu'elle pourrait utiliser.

Elle savait son frère blessé et se demandait s'il se donnerait à fond dans ce combat qui aurait du être un simple entraînement. Décidément, il mettait du temps à attaquer. Alice écarta encore un peu les pieds, d'un geste tout à fait visible pour lui montrer qu'elle s'impatientait et n'avait guère l'intention d'attendre, prête à se défendre et l'épée en garde, toute la nuit. Qu'il frappe ou fasse au moins l'effort de se défendre, car elle n'hésiterait pas à attaquer s'il n'en avait pas le coeur. De nouveau, elle sentit un très léger élancement à la cuisse. La blessure de Yohann le faisait encore souffrir, assez pour qu'elle le ressentes. Pour sa part, elle bénéficiait d'une Aura de phoenix flambant neuve qu'elle se faire un grand plaisir d'utiliser, n'ayant pas pu s'en servir ce matin lorsqu'elle avait croisée Idril. Les prunelles d'Alice, devenues dorées, fixèrent calmement son frère se demandant de nouveau s'il aurait assez de cran pour attaquer.
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MessageSujet: Re: Défi nocturne [Pv soeurette]   Défi nocturne [Pv soeurette] Icon_minitimeDim 15 Juin - 23:31

Les pas furtifs et léger de sa sœur troublèrent à peine le silence, mais Yohann avait reconnu ce bruit familier, et ne jugea pas utile de se retourner. Alice attendait quelque chose de lui, c’était certain, mais tant qu’il ne saurait pas avec certitude ce que c’était, il était résigné à jouer son jeu. La phoenix s’approcha rapidement et son frère dut s’avouer qu’elle était bien plus souple et silencieuse que dans ses souvenirs. Cela aurait sans doute du l’inquiéter pour leur défi à venir, qu’elle ait changé, mais pourtant, il demeura serein, immobile, tournant le dos à la jeune fille qui se planta derrière lui, lui soufflant un courant d’air chaud sur la nuque. Il la sentit, plus qu’il ne l’entendit, se reculer pour éviter tout mouvement dangereux, mais il ne se retourna pas immédiatement, le regard perdu dans l’immensité liquide. Ce fut d’une voix parfaitement maîtrisée qu’il prit la parole, toujours sans regarder sa jeune sœur.

Bonsoir. Tu sais que je déteste quand tu arrives en traître, alors, je ne pense pas que tu t’attendais à un accueil avec fleurs et fanfare.

Il finit par se tourner vers Alice, avec un sourire tendre qui démentait la froideur de ses propos. Il observa sans mot dire la jeune fille, toute de noir vêtue, ne pouvant s’empêcher d’admirer son corps parfait, ses traits si réguliers, si familiers. C’est vrai qu’ils se ressemblaient beaucoup, tous les deux, même si leurs caractères étaient opposés. Mais l’étaient-ils tant que ça ?
Yohann posa son regard sur l’épée que portait sa sœur, puis dans les yeux de la jeune fille. Une fois qu’il se fut assuré qu’il avait capté son attention, il leva sa propre épée à hauteur de son visage puis, dans un salut ironique, fit disparaître la lame. Il ne pensait pas qu’elle avait oublié qu’il maîtrisait ce genre de magie, bien que ce fût à un niveau moindre lorsqu’ils s’étaient quittés. Désormais désarmé, son épée redevenu ténèbres, Yohann sourit à sa sœur.


Je suis là, j’ai apporté l’épée, mais ne crois pas que je vais me battre contre toi, petite sœur. J’ai affronté Idril, mais je suppose que tu l’as deviné, ou que tu en as entendu parler. Quoi qu’il en soit, elle est une ennemie, mais ce n’est pas ton cas. Je ne lèverai pas mon arme sur toi, Alice.

Acheva-t-il en haussant les épaules, plutôt satisfait de ce qu’il venait de dire. Il avait avoué à sa jumelle qu’il s’était battu contre Idril, sans pour autant lui donner matière à s’inquiéter. Disons qu’il espérait que le sujet était clos, maintenant qu’il lui avait avoué, et qu’elle n’insisterai pas, parce qu’il lui avait fait comprendre que cela n’avait, finalement, que peu d’importance. La princesse amazone tenait une place étrange pour lui, d’autant plu étrange qu’il n’arrivait pas à la définir, mais Alice était tout pour lui, tout. Un seul cœur, une seule âme. Cor unum et anima una.
Qu’attendait-elle exactement, en lui lançant ce défi ? Il était curieux de le savoir. Pourquoi ici, pourquoi maintenant ? Tant de questions auxquelles Alice ne répondrait sûrement pas, si elle le savait elle-même. Le choix du lieu était étrange, même la jeune fille devait le convenir. Et l’heure, aussi, car bien que la lune soit présente, elle semblait jouer à cache-cache avec les nuages. Alors, pourquoi ?
Yohann remarqua qu’Alice se tenait face à lui, bien campé sur ses deux pieds, attendant un coup qui, elle devait le savoir, ne viendrait pas. Elle le regardait d’un air étrange, presque impatient et, à nouveau, le phoenix songea qu’elle avait l’air bien trop sure d’elle pour ne pas avoir mûrement réfléchi cette rencontre. Encore une fois, les données essentielles lui échappaient, et il pouvait qu’analyser ce qu’il avait devant les yeux, soit pas grand-chose.

Elle attendait son attaque, elle attendait qu’il se décide. Pourquoi ? Elle savait pertinemment bien que, même lors de leurs entraînements, il détestait attaquer le premier, et que jamais il ne se donnait à fond, de peur de la blesser. Et même lorsqu’elle le suppliait d’attaquer, il retenait ses coups, juste assez pour que le combat paraisse réel, mais avec très peu de chance de la blesser. Bien sur, ils étaient phoenix, les blessures guériraient. Mais comment pouvait-il se résoudre à engager le combat contre sa jumelle, celle qu’il chérissait plus que tout ? Ses grands yeux innocents, son visage si pur, dont il connaissait les moindres traits par cœur ? Comment pouvait-elle penser, ne serait que l’espace d’un instant, qu’il se plierait à sa demande ?
Yohann haussa les épaules, avant de tourner délibérément le dos à sa jumelle. Si jamais elle l’attaquait, il se savait assez rapide pour contrer sa lame, mais attaquerait-elle ? Elle devait penser qu’il était un lâche, qu’il se refusait au combat, mais ce n’était pas ça. Il ne pouvait lever son arme sur elle, de la même façon qu’un grand frère ne pouvait frapper une petite sœur qu’il chérissait de tout son cœur. Alors, quel était son plan ? Sans se retourner, Yohann décida d’arrêter les frais. Il fallait qu’ils soient honnêtes, et la questionner semblait être un bon début.


Pourquoi, petite sœur ? Pourquoi me demander ça ? Tu sais très bien que je ne peux pas, et que même si je cherche à me racheter à tes yeux, ce que tu me demandes est hors de question.

Le phoenix se retourna, plongeant ses yeux dans ceux de sa jumelle. De nouveau, il fit apparaître une épée, à la garde ciselé et à la lame brillante. On aurait dit une véritable pièce d’acier, et bien malin celui qui se douterait qu’elle était née de la seule volonté du jeune homme. Il considéra l’arme un instant avant de revenir vers sa sœur, marchant d’un pas délibérément lent jusqu’à ce qu’il se trouve à moins d’un pas d’elle. Une distance suffisante pour porter une botte, mais pourtant, il fit tournoyer son épée, admirant les reflets de la lune dans la lame, sans plus se préoccuper du fait que sa sœur pouvait très bien porter le premier coup. Mais quelque chose lui disait qu’elle ne le ferait pas, qu’il devait attaquer en premier. Pourquoi ? Il aurait donné beaucoup pour connaître le plan de sa sœur. Mais même s’il leur était arrivé de lire les pensées de l’autre, Yohann savait qu’il se heurterait à un mur, et ne se risqua pas à tenter l’expérience.
Avançant sa main libre, il allongea le bras jusqu’à toucher les boucles blondes de sa jumelle, jouant avec les mèches comme il avait coutume de le faire, autrefois. Ses doigts descendirent, caressant la joue de la jeune fille avant qu’il ne demande à nouveau d’une voix douce.


Je veux savoir pourquoi, petite sœur. Et je ne ferai rien tant que tu ne te décideras pas à me le dire.

Yohann recula de quelques pas, laissant comme à regret sa main quitter la peau douce de sa jumelle. Son âme sœur.
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MessageSujet: Re: Défi nocturne [Pv soeurette]   Défi nocturne [Pv soeurette] Icon_minitimeMer 25 Juin - 0:46

Une fois de plus, Yohann se montra d’une prévisibilité qui rassura sa sœur. Avec le temps, elle avait espéré qu’il se soit habitué à ses petites sautes d’humeur, la façon dont elle passait d’un extrême à l’autre : souriante puis boudeuse. Elle admettait elle-même ne pas être d’un caractère facile à gérer, d’autant plus que se retrouver après si longtemps semblait avoir mis une distance entre eux _à moins que ce ne soit ses changements physiques qui empêchaient désormais Alice de se faire passer pour son frère si elle portait un quelconque couvre-chef cachant sa longue chevelure blonde_ mais étrangement, elle fut un peu déçue. Il l’avait sentie arriver, s’approcher puis prudemment s’écarter. Et contrairement à la façon dont il agissait lorsqu’ils étaient enfants, il n’avait pas tranquillement attendu qu’elle lui dise ce qui la mettait de bonne humeur. En l’occurrence, la perspective d’un de leurs défis, cette routine qu’ils avaient si facilement établi depuis la Villa des Roses où l’on avait cherché à les écarter l’un de l’autre. Garder l’élément productif et écarter celui, trop joyeux, risquait de le dévergonder de la voie bienfaisante du complot politique. Etait-ce pour cela qu'Alice détestait à ce point Idril, parce que l'amazone lui rappelait trop de mauvais souvenirs liés au temps où Yohann et elle avaient tout appris de la politique de ce monde, cet art si périlleux mais dans lequel ils excellaient désormais qu'était la manipulation?

Elle ne releva pas la remarque de Yohann, la petite pique qu'il lui avait lancée et ce bonsoir prononcé d'une voix trop suave, presque mielleuse qui avait immédiatement accaparé toute son attention. Une sensation familière s'était alors emparée de l'esprit, un vague souvenir d'autres lieux, d'autres temps où Yohann aurait prononcé ce mot ô combien banal. Mais ce jour précis dont elle peinait à retrouver le souvenir n'avait lui pas été banal. Pourquoi toujours cette impression de nostalgie, cette sensation de retrouver un Yohann tel quel l'avait toujours connu malgré l'évidente différence qu'avait marqué leur âge? Alice ne put longtemps se résoudre à détourner le regard de son frère. De nouveau, elle observa ces traits parfaits dont elle connaissait la moindre inclination pour avoir longtemps parcouru ce visage parfait, éprise d'une familière mais troublante fascination. Mais, surtout, elle se perdit dans la contemplation des prunelles de son frère, mystérieux ovales qui lui rappelaient les astres, quoique plus majestueux, empreints de sentiments qu'elle ne reconnaissait plus.

Ce fut un bref mouvement, vaguement aperçu, qui la força à détourner son regard des yeux de son frère. Un salut ironique du jeune homme, l'épée à la main, auquel Alice s'était attendue. Le phoenix n'aimait pas les surprises, mais il aimait encore moins ne pas avoir le dernier mot. La jeune fille s'était attendue à une quelconque remarque de ce genre, ou tout du moins un refus catégorique d'attaquer. Si elle avait pu anticiper ce geste, Yohann avait sans aucun doute prévoir qu'elle lui laisserait l'initiative. La partie semblait bloquée, jouée de trois coups d'avance de chaque côté. Comment anticiper le geste de quelqu'un qui anticiperait le vôtre quand vous n'osiez mutuellement pas porter les regrets du premier coup. Cette fois-ci, le jeune homme semblait contraindre Alice à porter le premier coup. Et bien soit, mais elle entendrait d'abord ce qu'il avait à dire. Elle voulait se battre, il voulait parler. Un comportement bien différent de leurs années d'enfance où il avait été plus belliqueux qu'elle, ou moins naïf.

Arrachant un léger sursaut à sa soeur, Yohann fit disparaître la lame de ténèbres qu'il avait à la main quelques secondes auparavant. Le détail n'aurait pourtant pas du surprendre la jeune fille, mais malgré la quantité phénoménale de souvenirs qui lui étaient revenus en mémoire depuis la réapparition de son frère dans sa vie, le fait qu'il puisse faire apparaître des objets de ténèbres lui avait totalement échappé. Elle avait pourtant cherché à se remémorer la façon dont il combattait, remontant les maigres souvenirs qu'elle avait de lui se battant. Mais tout au plus, elle ne s'était souvenue que de quelques coups de poings, lancés impulsivement. Son frère avait du changer en presque six années entières. Jusque là, elle n'avait pas réellement mesurée l'ampleur du changement. Il lui avait paru presque semblable et pourtant, Alice sentait que quelque chose avait changé. Leur relation peut-être, il s'était fait étrangement plus protecteur, retrouvant un rôle différent de leurs années d'enfance qui lui était étrangement familier aussi bien à l'un que l'autre.

La phoenix écouta parler son frère sans esquisser le moindre geste. Elle aurait pu se fondre sur lui et porter le premier coup, peut-être aurait-il réagir d'instinct? Mais voilà qu'à peine le timbre suave de la voix du jeune homme avait-il retenti qu'elle n'avait plus songé à l'attaquer. Ce trouble certain qu'elle ressentait dès qu'il faisait l'effort d'endosser ce rôle qu'elle avait si longtemps attendu. La dernière fois, tout avait fini dans le sang et Alice se demandait si ce défi qu'elle avait lancé à Yohann n'était au fond qu'un moyen détourné de s'affronter elle-même. Un moyen de voir si elle aurait la force de se battre quand l'Alliance attaquerait l'école, et ce en se concentrant à sa plus grand peur : blesser l'être le plus cher à ses yeux.

Son frère lui parla d'Idril et Alice resta muette. Au fond, elle estimait Idril et elle le savait pertinemment, comme une ennemie toutefois. Il refusait de lever son arme sur elle. Très banal jusque là, et pourtant, la fin de cette phrase fit tressaillir la jeune fille. Alice, ce prénom qu'il lui avait... offert à leur séparation. Ce mot qu'il employait si affectueusement et qui pourtant faisait ressortir leur séparation. Le regard de la jeune fille ne plongea pas dans celui de son frère vers qui il était irrémédiablement attiré. Les prunelles de la jeune fille obliquèrent vers le détail qu'Idril lui faisait immédiatement venir à l'esprit. La cuisse de Yohann, profondément abîmée par l'amazone. Pourquoi Carthana n'avait-elle rien fait pour atténuer la douleur du phoenix?


-Je suis au courant, Yohann. Difficile de rater votre petite scène de ménage. Sans compter tes remarques toutes en finesses du cours de potion.

Evidemment, le souvenir des propos de son frère était encore tout récent dans la mémoire d'Alice. Ce matin, elle avait été profondément déçue. Cela ressemblait si peu à Yohann, à son Yohann de jouer les adolescents mesquins et vantards, d'ordinaire, il agissait avec tact et finesse. Sur le coup, elle avait eu du mal à croire qu'il ait prononcé ces paroles. Pourtant, cette voix, elle l'aurait reconnue entre mille. S'ils n'avaient pas eu ce lien de parenté, aurait-il parlé d'elle de la même façon? C'était une pensée puérile, et elle avait accaparée les pensées d'Alice bien longtemps. Yohann avait-il à ce point changé? La question était restée sans réponses, désespérément présente et éternellement insoluble. La jeune fille était restée dans le doute, sans pouvoir trouver une réponse satisfaisante. Comment savoir qui d'eux deux avait changé? Elle avait espéré cette réponse, l'avait attendue plusieurs heures comme lorsque après leur séparation elle avait attendue un signe de sa famille.

Et maintenant, de nouveau l'attente. Les enjeux étaient moindres mais quand Yohann lui tourna le dos, Alice tressailli. D'instinct, sa respiration se bloqua. Une silhouette qui s'éloignait, ne serait-ce que de quelques pas, c'était une image maintes fois vue qu'elle ne pouvait plus supporter. Les pensées surgissaient en désordre dans son esprit mais l'une d'entre elles avait trouvé la force de remplacer celle de la matinée. Et si Yohann partait pour ne plus revenir? Et si, parce qu'il avait changé il s'était rendu compte que leur père avait eu raison de la trouver trop faible et chercher à les séparer? Elle passa quelques secondes pétrifée avant de voir le phoenix se retourner vers elle. A supposer que sa respiration n'ait pas été bloquée, elle aurait poussé un soupir soulagé. Mais l'air tarda à revenir dans les poumons d'Alice, au point de provoquer un léger toussotement qui semblait aussi bien dû à ces quintes de toux dont elle était depuis peu victime.

Elle s'efforça de ne pas réagir aux questions de Yohann qui semblait quémander son aide. Petite soeur... pour lui rappeler leur lien de parenté? De nouveau, une épée apparut dans la main du phoenix et Alice le laissa s'approcher. Il ne l'attaquerait pas, jamais il n'oserait. Ce qu'elle n'avait pas anticipé, c'était la sensation qu'elle éprouva lorsqu'il posa sa main contre sa joue. Une perte de repères, de nouveau elle éprouva quelques difficultés à respirer. Ce n'était cette fois-ci la peur qu'il l'abandonne, elle le sentait trop proche pour partir sans rien dire et l'abandonner de nouveau. Alice aurait voulu prolonger ce moment qui ressemblait à celui du bal, où plus rien n'existait si ce n'était eux. Si elle avait été capable d'esquisser encore un mouvement tant elle était troublée, Alice se serait jetée dans les bras de son frère. Elle se serait lovée contre lui, il aurait fait disparaître cette ridicule épée qui n'aurait pas du avoir lieu d'être et rien ni personne n'aurait plus eu d'emprise. La perspective de replonger dans le cocon protecteur des bras de son frère et s'enivrer de son odeur n'aide guère Alice à remettre de l'ordre dans ses pensées.

Elle hésita de plus en plus lorsqu'il s'éloigna de quelques pas. Non, elle ne voulait pas qu'il parte de nouveau, s'éloigne et la laisse. Non, elle l'aimait trop. Hésitante, elle fit un pas en titubant, sentit venir une quinte de toux. Par chance, elle ne toussa pas. Sa main alla tout naturellement retrouver celle de Yohann, leurs doigts n'eurent pas à se chercher dans l'obscurité pour se retrouver et s'enlacer de plus belle.


-Yohann... n'attends pas que la guerre nous force à prendre les armes pour nous battre... et ne m'appelles plus Alice.
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MessageSujet: Re: Défi nocturne [Pv soeurette]   Défi nocturne [Pv soeurette] Icon_minitimeLun 30 Juin - 15:22

[Désolé du temps d'attente, mais j'espère que ma réponse te plaira]

Alice avait brièvement sursauté lorsqu’il avait fait disparaître l’épée, arrachant un petit sourire au phoenix. Tiens donc, pour une fois qu’il ne se pliait pas entièrement à ses plans, cela semblait la surprendre. Car, après réflexion, Yohann était désormais persuadé qu’elle savait qu’il n’attaquerait pas. Elle devait mijoter quelque chose, connaître un détail qu’il ignorait, sinon, leur défi n’aurait pas eu lieu d’être. Donc, restait à connaître ce détail, et cela s’avérait plus facile à penser qu’à mettre en œuvre, malheureusement. Alice avait donné comme récompense à ce défi la réponse à une question… et Yohann en avait des tas à lui poser, mais comment obtenir la victoire s’il ne pouvait se décider à lever son épée ?
Il avait annoncé à sa jumelle qu’il s’était battu contre la princesse amazone, volontiers oublieux des détails de ce combat. Pour ne pas l’effrayer, ou, plutôt, pour ne pas voir l’indifférence dans les yeux si bleus d’Alice. Sans vouloir se l’avouer, Yohann savait qu’il n’aurait pas supporté qu’Alice ne montre aucune compassion quant au fait qu’il avait été blessé, qu’elle détourne le regard sans s’en faire. Qu’elle soit… une étrangère. Mais en même temps, il ne voulait pas voir sa compassion, il refusait que leurs rôles s’inversent. Pourquoi tout était toujours si compliqué ? Pourquoi fallait-il toujours manœuvrer, mentir, tromper ? Yohann se sentit brusquement fatigué, perdu, et le relâchement de ses muscles dut certainement trahir cette pensée. Qu’Alice mette ça sur le compte de la fatigue, de la douleur, ou de quoi que ce soit, il s’en fichait. Il voulait juste… juste faire comme lorsqu’ils étaient petits, se blottir dans les bras de sa jumelle, oublier qui il était pour ne faire plus qu’un avec elle. Mais ce n’était pas possible, alors, bravement, Yohann reprit contenance, serrant les poings. Il ne devait pas être faible, il n’en avait pas le droit. Pour elle, pour lui… il ne le savait pas très bien, mais une chose était sure : cela lui était interdit, désormais.

Il dût se concentrer à nouveau pour regarder Alice, et capta le mouvement des yeux de la jeune fille vers sa cuisse. Ainsi, elle savait. Comment, il ne pouvait que s’en douter, mais elle savait. Brusquement, Yohann détourna les yeux, ne voulant pas lire ce qui pourrait se trouver dans les prunelles bleues de sa sœur. Il n’était pas sur de savoir quoi vouloir y trouver et, pour la première fois depuis bien longtemps, rester dans l’expectative lui parut la meilleure solution. Sans mot dire, il fixa le sol sans le voir, douloureusement conscient de la proximité d’Alice, de sa chaleur, et de ses paroles où perçaient un léger ton accusateur. Yohann garda la tête basse, conscient qu’il l’avait mérité. Le remords l’assaillit, mais il était trop tard, bien trop tard. Comment faire comprendre à sa sœur qu’il regrettait de s’être laissé entraîner, d’avoir trahi ce qu’elle pensait de lui. Comment lui expliquer tout ça sans paraître, à nouveau, faible ? Sa fierté était plus forte que son remords, son amour pour Alice l’était aussi, alors, s’efforçant de se composer un masque impassible, Yohann releva la tête, dédaigneux.


Si mes remarques ne te plaisaient pas, tu n’avais qu’à pas les écouter. Ce qui se passe entre Idril et moi, je suis à même de le gérer tout seul, et peu importe que tu ne comprennes pas.

Yohann sentit la marque de ses ongles s’incruster dans sa main, tandis qu’il fixait Alice d’un regard dur. Sa jumelle avait-elle perçu l’éclair de regret dans ses yeux, le peu d’assurance de ses paroles, tandis qu’il s’efforçait de prendre un ton autoritaire ? Il était allé trop loin pour faire marche arrière, maintenant : son arrogance et sa fierté avaient toujours été ses plus grands défauts, ceux qui l’entraînaient sur un chemin qu’après, il n’avait d’autre choix que de continuer à gravir. Réfuter maintenant ses paroles… impossible, sans paraître faible aux yeux de tous. Et surtout à ceux de sa sœur.
Mais Alice le connaissait par cœur. Verrait-elle ce qu’il cachait réellement dans son air prétentieux et arrogant, verrait-elle qu’au fond de lui, il regrettait ces paroles ? Comprendrait-elle que, malgré ce qu’il venait de dire, il brûlait de lui dire exactement le contraire ? Devinerait-elle qu’en réalité, il se refusait à la décevoir de nouveau, préférant la laisser croire qu’il avait totalement changé alors qu’en réalité, ce n’était pas le cas. Il s’était trompé… et ne pouvait pas lui avouer. Seul le lien qu’ils partageaient pourrait aider la jeune phoenix à comprendre, mais le voudrait-elle ?

Pour mieux dissimuler sa gène et ses remords, ajouté à sa honte d’avoir parlé à sa sœur comme il venait de le faire, Yohann se détourna, s’éloignant de quelques pas le long de la berge sombre. Occupé par ses pensées maussades, le jeune homme ne se rendit pas compte à quel point Alice était troublée, ignorant son appel muet. Il éprouvait bien trop de rancœur à l’égard de ce qu’il était qu’il n’aurait pas pu se laisser envahir par les sentiments d’Alice, même s’il l’avait souhaité. Mais le phoenix ne pouvait rester trop longtemps sans contempler la jeune fille, si proche d’elle et en même temps si loin… tournant les talons, il revint vers la petite silhouette immobile, à nouveau secouée par une quinte de tout qui fit froncer les sourcils à son frère. Sans vouloir l’avouer à haute voix, il s’inquiétait de ce qu’avait sa sœur : son aura régénérée aurait du la garder à l’abri de toutes maladies et pourtant, toussant misérablement, elle semblait bien plus fragile que lorsqu’elle était couchée sur ce grand lit blanc. Une vague de compassion et d’inquiétude passa entre les deux phoenix et, sans se soucier du fait que sa sœur l’ait perçu, Yohann se rapprocha, posant sa main sur la joue douce de sa sœur. Encore une fois, il se laissa submerger par cet instant qui n’appartenait qu’à eux, ce moment loin du temps, des problèmes, et de ce qu’il avait fait. Mais bien vite, les pensées affluèrent à nouveau dans l’esprit du jeune homme, douloureusement conscient qu’après tout, c’était de sa faute s’ils en étaient là. Celle de leur père aussi, sans doute, mais il avait obéi, reniant le lien qui l’unissait à sa sœur dans l’espoir puéril de mieux la protéger. Avalant difficilement sa salive, le phoenix recula de quelques pas, malheureux et désorienté. Mais Alice ne le laissa guère s’éloigner, sa main s’accrochant à la sienne avec autant de vigueur qu’un noyé agrippe une bouée de sauvetage. Le regard du phoenix se fit tendre lorsqu’il posa les yeux sur la blonde chevelure de sa sœur, savourant la chaleur de sa main dans la sienne, la proximité de celle qu’il ne voulait plus jamais quitté. La douce voix de la jeune fille troubla soudain le silence, lui demandant deux choses qu’il trouvait plutôt difficile à lui donner : le désir que ce ne soit pas la guerre à venir qui les oblige à empoigner les armes, et la supplique de ne plus l’appeler Alice.

Le phoenix ne répondit pas, se contentant de serrer plus fort la petite main dans la sienne. Ne plus l’appeler Alice… il… non. Eileen n’était plus son prénom, elle ne pouvait plus le revendiquer. Quand à Alice… c’était Yohann qui avait décidé de lui donner ce prénom, de lui donner ce repère de leur ancienne vie sans pour autant trop l’exposer. S’il lui avait donné un autre nom, c’était pour la protéger, pour que personne ne puisse faire le lien entre elle et lui, entre elle et leur père, entre elle et leur ancienne vie. Liebërt n’était pas leur vrai nom, même si Yohann était incapable de se souvenir de leur nom véritable. Il l’avait oublié, comme bien d’autres pans de leur ancienne vie, exceptées Alice et leur mère. Quand à Alice… il avait choisit ce prénom pour ce qu’il avait, un jour, représenté à leurs yeux. Ce nom était plus sacré que tous ceux qu’il avait pu imaginé. Alice… et maintenant, elle voulait en changer ? Revenir dans le passé ? Ne comprenait-elle pas à quel point cela pouvait changer les choses ?
Quand à cette guerre…elle n’était pas la leur, Alice avait décidé de rester pour ces stupides dragons, pas lui ! Ils n’étaient pas obligés de prendre les armes pour protéger des êtres qui ne représentaient rien !
Mais sa jumelle en avait pourtant décidé ainsi, arbitrairement, et Yohann l’avait suivi. Il ignorait pourquoi il n’avait pas essayé de la faire changer d’avis, pas plus qu’il n’essayerait, maintenant, de le faire.


C’est pour ça que tu insistes tellement pour que je relève ton défi, pour que cette guerre absurde ne soit pas ton premier combat ? C’est… si… je sais pas.

Soupira-t-il doucement, embrassant sa sœur sur le front. Il ne savait pas quoi lui dire, mais si elle renouvelait sa demande de la combattre, il savait qu’il s’y plierait. Pas avec la même fougue que contre Idril, non, il ne fallait pas non plus trop espérer, mais il obéirait à Alice. Parce qu’elle le lui aurait demandé.

Tu t’appelles Alice, désormais, tout autant que je m’appelle Yohann Liebërt.

Il avait prononcé ces quelques mots d’une voix calme et douce, un murmure apaisant dans le silence qui les enveloppaient.
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MessageSujet: Re: Défi nocturne [Pv soeurette]   Défi nocturne [Pv soeurette] Icon_minitimeSam 26 Juil - 14:13

[Toutes mes excuses pour ce temps de réponse!]


Une fois de plus, Alice se mura dans le silence, qu’y aurait-il eu à dire ? Elle arrivait à peine à suivre son frère. Le Yohann qu’elle avait cru retrouver, ce fameux soir du bal n’avait été qu’un leurre. Tous deux avaient changé, et elle ne parvenait pas à déterminer l’ampleur de la transformation concernant son frère. Que leur était-il arrivé ? Comment six années avaient-elles pu tirer un trait sur le passé, sur leur lien qu’ils avaient cru indestructible? Ils se mentaient tout à tour, inversant les rôles de celui qui se montrait sincère et celui qui avait le courage, ou la naïveté, d’être franc. La jeune fille ne pouvait s’empêcher de penser à leur enfance qui semblait désormais si loin d’eux. Difficile de ne pas regretter ce temps où ils étaient incapables de se mentir l’un l’autre et où l’idée seule leur aurait paru impensable. Et de nouveau, cette sempiternelle question « comment avaient-il pu en arriver là ? »

Le regard d’Alice se détacha du sol qu’elle avait fixé sans le voir pour se porter instinctivement vers Yohann. Celui-ci venait brusquement relâcher ses muscles tendus. S’il y avait une signification à ce tic, la phœnix l’avait oublié. Une fois de plus, sa mémoire lui faisait défaut. De son enfance dont elle avait cru retrouvé les souvenirs, elle ne possédait en fait que des lambeaux d’existence, sans cohérence les uns aux autres. Ses souvenirs les plus précis étaient à propos de son frère, principalement les longs moments de silence entre eux, lorsqu’ils n’avaient pas eu besoin de mots pour se comprendre. Aujourd’hui, même avec des paroles, Alice doutait de pouvoir comprendre son jumeau. Elle se révélait incapable de savoir ce qui se cachait derrière le relâchement de son frère. Etait-ce l’épuisement ? Mais y avait-il autre chose qu’elle n’arrivait plus à percevoir? Tout aurait été si simple sans ces années de séparation.

Sans vraiment s’en apercevoir, la jeune fille songea à ce qu’aurait pu être leur vie s’ils n’avaient pas été séparés après l’incident de la Villa des Roses, ou plus simplement s’ils n’y avaient pas été. Là-bas, dans son besoin de la protéger Yohann avait fini par cesser de croire. En l’avenir, en l’espoir dont jusque là ils avaient pu faire preuve. Mais leur vie avait été chamboulée sitôt qu’ils y étaient entrés. Que ce serait-il passé si leur mère n’était pas morte en les laissant seuls ? Ou si, plus simplement, leur père leur avait donné cette affection qu’ils n’avaient jamais eue. Leur lien ne remplaçait pas tout, l’amour de leurs parents n’avait jusque là rien représenté si ce n’était un concept totalement abstrait.

La phoenix, le regard toujours absent, suivit à peine Yohann des yeux. Il serrait les poings, retrouvait cette assurance qui d’ordinaire ne le quittait pas. Alors pourquoi était-il si hésitant aujourd’hui ? Alors qu’Alice retrouvait enfin la confiance dans les yeux de son frère, celui détourna le regard. Pourquoi ? Si une chose n’avait pas changé entre eux, c’était sans doute cette facilité à décrypter dans le regard de l’autre ce qu’il ressentait. Alors pourquoi détournait-il le regard ? Par peur de ce que ses yeux pouvaient laisser comprendre ou de ce qu’il trouverait dans ceux d’Alice ? Brusquement inquiète pour son frère, la jeune fille s’apprêtait à avancer vers lui mais il reprit la parole, ne lui laissant pas le temps de ravaler cette idée stupide de défi qu’elle regrettait sincèrement devant la tristesse de son frère.

Alice encaissa les coups, les paroles de son frère lui firent l’effet d’un violent coup porté à son cœur. Jusque là, elle s’était à peine doutée de ce qu’il avait pu ressentir le soir du bal, quand elle avait voulu partir. Mais cette fois, la jeune fille savait qu’elle ressentait une partie de la douleur qu’elle lui avait causée, par quelques mots. Instinctivement, elle choisit de ne pas supporter le regard de son frère, préférant détourner le sien. Le regret dans les yeux de Yohann passa inaperçu. Quand au ton de ses paroles… difficile de savoir. La voix de son frère tressaillait faiblement, n’était-ce qu’à cause de cette fatigue dont il semblait avoir fait preuve quelques secondes plutôt ? Ou simplement le dédain dans ses paroles, un ton qu’il n’employait jamais à son égard.

Ce n’était pas tant les paroles qu’il prononçait, son différent avec Idril n’avait pas assez d’importance aux yeux d’Alice pour passer après le lien qui les unissait Yohann et elle. Et pourtant… « le gérer seul »…refuser une énième fois d’être franc ? La phoenix tressaillit brusquement, tirée de ses pensées par la vive douleur qu’elle ressentait sur la paume de sa main. Instinctivement, Alice comprit que cette douleur venait de Yohann. Quelques fois, lorsqu’ils étaient plus proches, il lui était arrivé de ressentir la souffrance de son frère. Etait-ce le cas aujourd’hui ? Etait-ce seulement possible tandis qu’ils enchaînaient mensonge sur mensonge ?

Perdue, Alice jeta un regard hésitant à son frère. Comment être sûre ? Elle ne comprenait plus la façon dont Yohann agissait, s’il fallait faire comme s’il était franc ou s’il mentait en espérant qu’elle découvre d’elle-même la vérité. Voulait-il seulement qu’elle la découvre ? La jeune fille déglutit difficilement. Depuis qu’ils s’étaient retrouvés, elle avait cru que leur lien se referait seul. Mais non, il leur faudrait être francs s’ils voulaient avoir ne serait-ce qu’une chance de retrouver ce qu’il y avait eu entre eux avant leur séparation. De nouveau, la dure réalité s’imposa à Alice. Ils avaient changé, et chacun était incapable de voir le changement chez l’autre.

Encore sous le choc, et troublée de la proximité de son frère, la jeune fille fut incapable de le retenir tandis qu’il s’éloignait pour faire quelques pas sur la berge. L’angoisse qu’elle avait éprouvée en le retrouvant, cette peur qu’il parte de nouveau ne manqua pas de refaire son apparition. Allait-il de nouveau partir et la laisser seule ? Cette fois-ci, elle devinait qu’aucune amnésie ne lui permettrait de rester dans l’expectative et conserver une lueur d’espoir. S’il partait de nouveau, elle s’en souviendrait. Et ce serait ça le pire dans cette absence, savoir qu’il était sciemment parti, que l’influence de leur père n’avait été qu’un prétexte la dernière fois, qu’il… ne voulait plus de sa présence. De toutes les hypothèses pour justifier son départ, c’était celle-ci qui revenait le plus souvent à l’esprit d’Alice. La perspective qu’il pouvait faire sans elle. D’eux deux, c’était sans doute lui qui avait le moins besoin de cette gémellité. Des années passées à la protéger, au mépris de tout ce qui le concernait. Et si elle n’avait été qu’un poids durant tout ce temps ? Nouvelle façon de voir les choses qui en aurait expliqué bien d’autres. Qui aurait tout éclairé. Une évidence qu’elle avait voulu ignorer tout ce temps.

Désormais qu’elle le voyait s’éloigner, ne serait-ce que quelques pas, Alice avait peur de perdre son frère. Elle avait menti le soir du bal en prétextant qu’ils ne devraient plus continuer comme ça. Il l’avait deviné. Mais les mots qu’il avait alors prononcés pour la rassurer… les pensait-il vraiment ? Un doute auquel la jeune fille ne pouvait apporter de réponse. Elle avait peur, peur qu’il parte quoiqu’elle fasse. Après ce qu’elle avait fait, comment espérer le retenir ? Le premier mensonge entre eux, la première pierre du mur qui les séparait, c’est elle qui l’avait posée. Normal qu’il veuille partir après cela. Normal qu’il en ait assez de la voir indécise et d’attendre qu’elle soit enfin franche. Mais comment dire la vérité lorsque la crainte qu’elle ne finisse par vous ôter ce que vous aviez de plus cher persistait ?

La quinte de toux de la jeune fille dissipa ces doutes, la ramenant comme en contrepartie à celui d’avoir été trop faible pour que leur père veuille d’elle car elle n’avait pas le cran d’être phoenix et d’assumer ses pouvoirs. Sinon, comment expliquer qu’elle n’ait jamais eu de signe de sa présence tandis que Yohann l’avait déjà rencontré ? Rester dans le doute était-il une solution ?

Alice ne put retenir un tressaillement lorsque la main de son frère se posa sur sa joue. Deux yeux bleus, émerveillés, se posèrent sur le jeune homme déjà oublieux de l’angoisse qu’un départ avait suscité. Comme on replonge avec facilité dans un réflexe que l’on s’efforce d’oublier, une habitude qu’on retrouve sans s’en apercevoir, la jeune fille porta un regard plein d’espoir sur son frère. Le voyant s’éloigner, elle agrippa sa main, reproduisant ce geste familier de leur enfance : il avançait de quelques pas, s’arrêtait et attendait qu’elle le rejoigne pour marcher main dans la main, un accord tacite mille fois répété. Cette fois-ci, Alice s’était agrippée avec plus de vigueur à la main de son frère, était-ce pour cela qu’il répondit plus fortement de cette familière pression de la main ? Non… il y avait autre chose. Une réponse à sa petite supplique mais Alice devinait qu’elle n’était pas positive.

Dans l’espoir du regard de la jeune fille s’insinua un peu de doute. Il ne répondait pas… la peur qu’il parte se fit plus forte et la main de la phoenix se relâcha brusquement, comme résignée. A son soulagement, son frère n’évoqua aucun départ, il se contenta de répondre à sa demande. Tout en hésitations. La faute aurait passé inaperçue aux yeux de n’importe qui d’autre, mais Alice remarqua que son frère, avait commis une légère erreur dans sa négation. L’éducation qu’ils avaient reçue à la Villa des Roses les avait préparés à ne jamais se relâcher, à conserver un langage perpétuellement formel et froid, quoiqu’il arrive. Cette petite hésitation fit sourire Alice. Yohann était sincère, il n’y avait pas à hésiter cette fois-ci.

La phoenix n’engagea pas encore le combat, pas plus qu’elle ne répondit pour l’instant. Il lui fallait attendre l’autre réponse de son frère, concernant ce nom qu’elle n’avait jamais voulu, qui lui avait laissé bien trop de doutes. La réponse ne se fit guère attendre. Il refusait. Pourquoi ? Pourquoi conserver cette marque de leur séparation ? Pourquoi conserver le souvenir de ce qui avait souillé leur enfance ? Pourquoi garder la marque des ans où il avait perdu l’espoir ? Alice baissa la tête. Elle avait espéré tirer un trait sur le passé, ne serait-ce qu’entre eux. Eileen aurait été un prénom dont lui seul aurait connu l’existence. Pour le reste du monde, elle n’aurait été qu’Alice, mais à ses yeux, elle serait restée Eileen, comme avant qu’ils ne se séparent. Elle ne fit cette fois pas l’effort de ravaler le soupir de déception qui montait à ses lèvres. Il avait refusé, et elle était consciente d’avoir assez abusé de l’affection de Yohann pour le convaincre de se plier à cette solution. Maintenant qu’il l’avait été, à son tour d’être sincère.

Quoiqu’elle dise, il y avait forcément une chance pour qu’elle déçoive son frère, lui mentir n’était plus envisageable et pourtant, elle aurait aimé pouvoir le faire. Comment lui dire que ce sacrifice de tant d’années avait été vain, qu’en six ans elle avait sans doute fait couler autant de sang qu’il n’avait été forcé de le faire à la Villa des Roses ? Pouvait-elle prendre le risque soit de lui mentir et trahir de nouveau sa confiance, soit d’être honnête et briser son espoir, rendre vains ces efforts ?


-Ce ne serait pas mon premier combat… Si tu savais… ce qui s’est passé en six ans… La Guilde… là-bas, j’ai tué des gens, Yohann… pour… pour de l’argent, pour trouver de quoi vivre le lendemain… Si tu savais comme j’ai honte de ce qui s’est passé là-bas…
Ce combat serait loin d’être le premier... mais pour une fois... j'attaquerais de front.


Devrait-elle lui expliquer ce prénom… non, elle ne se sentait plus la force de remuer leur passé, de soulever ce qu’ils avaient voulu effacer par le silence. Il fallait oublier, faire table rase de ces souvenirs qui leur avaient été si douloureux. Mais Yohann avait eu le temps de faire ce deuil en six ans, pour sa part Alice retrouvait des lambeaux de mémoire, des bribes de souvenirs qu’elle peinait à comprendre, dont elle n’était jamais sûre qu’il s’agisse de la réalité et non pas d’un long cauchemar. Tandis que l’idée lui effleurait l’esprit, comme une diversion pour oublier la tristesse grandissante qui montait en elle, elle ne formula plus cette demande de se battre. Le nouveau départ qu’elle avait cru prendre en venant ici semblait déjà effacé, loin derrière elle, enfoui dans sa mémoire. Elle ne demandait plus qu’une chose désormais, plonger de nouveau dans les bras de son frère et oublier cette guerre insensée. S’approchant de son frère, c’est ce qu’elle fit.
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