La nuit était douce et paisible, et le calme inspiré par les jardins étaient des plus opportuns en ces temps troublés. La jeune nécromancienne avait décidé de s'y rendre, ses yeux ayant été attirés par la nature qui y régnait. Elle était une nouvelle venue dans l'établissement, arrivée seulement quelques jours auparavant. D'autant qu'elle se souvenait, chaque soir, elle sortait de chez elle pour humer le doux parfum de la nuit. Là, elle pouvait exercer ses dons en toute tranquilité, sans jamais être dérangée. Et puis, après tout, qui aurait osé déranger une telle créature, si imprévisible et si sombre d'apparence ? Personne jusqu'à maintenant, ou si il y avait parfois eu quelques courageux - ou quelques fous - qui étaient venus lui chercher querelle, elle les avait bien vite remis à leur place. Ëbène avait longé le lac pour parvenir à ces jardins - dont la surface s'était recouverte d'un léger voile de verglas sur son passage, elle avait voulu admirer le reflet des eaux - curieux miroir qui animait sa curiosité. C'était à travers les surfaces plates telles que celle de l'eau ou du cristal qu'elle usait parfois de ses dons obscurs, parce qu'elle pouvait y voir le reflet d'autres mondes. Notament un, dangereux et aussi imprévisible qu'elle, celui du royaume des Morts.
Elle était vêtue d'une robe aussi sombre qu'une nuit sans lune, néanmoins entièrement masquée par le long manteau d'ébène qu'elle portait, traînant derrière elle comme l'aurait fait l'apparat d'une reine. Elle marchait tranquillement sur l'étendue d'herbe des grands jardins, seule et rêveuse, plongée dans ses reflexions. Son regard se levait parfois vers le ciel et les nuages noirs qui ornaient cette nuit de printemps, songeuse, revisionnant sans cesse les images du passé. Elle pensait à son dragon - il ne devait pas être très loin -, au moment où il était arrivé dans sa vie, à tout les instants qu'elle avait passés en sa merveilleuse compagnie... A ses parents, éternelles figures de sa vie, ceux qui avaient forgés son caractère à partir de la source même des leurs. La mort de sa mère... Les rites funéraires, l'apogée de ses pouvoirs aussi noirs que les abysses, ce fameux jour où un imposteur lui avait ôté la vie... Les souvenirs revinrent en masse, sublimés par le voile d'une nuit propice aux rêveries.
Ëbène en sortit brusquement lorsqu'elle sentit une présence, non loin d'elle. Elle plissa les yeux, méfiante, puis aperçut une jeune femme, celle qui avait rompu ses chimères. Elle n'en montra rien, mais ressentit un certain soulagement au fond d'elle. C'était une jolie femme, une effigie au monde de la lumière tant son apparat, ses cheveux et sa peau étaient sublimés par une blancheur qui aurait seulement pu convenir à celle de la lune. Elle s'immobilisa un moment, analysant la nouvelle apparition de haut en bas, puis, voyant que l'Enfant de Lune avait tourné son visage vers elle, Ëbène lui adressa une légère inclination de la tête, signalant un salut silencieux.